Régis Michel - Posséder et détruire, Stratégies sexuelles dans l'art d'Occident.
Chapitre « Delacroix : journal d'un masochiste », sur L'enlèvement de Rebecca de Delacroix.

« Volupté. Je pose un cheval au bord de la feuille. Et je retiens sa course, afin qu'il piaffe, sabot rétif, queue fougueuse, crinière au vent. Effort, énergie, puissance : valeurs phalliques dans la partition culturelle des sexes. Je mets en selle un fort des halles, flanqué de son parèdre, qui est à pied : triomphe du muscle , où sévit la fièvre du trait, pour aviver la menace de leurs silhouettes géantes. Enfin (surtout), je hisse une femme sur la croupe massive, à la faveur athlétique de leur bras noueux. Volupté, disais-je. Déréliction, soumission, striction. La femme est liée. Et le graphisme a le soin de redoubler son garrot par un déluge de lignes : tourbillon de ligaments où son corps se dissout dans un halo ténébreux (on s'y perd). Esthétique du spasme. Ce kidnapping tourne au bondage. Or le...transport ne tient pas seulement à la jouissance des chaînes. Il lui faut encore la souffrance de l'enchaînée. De là cette volte-face : Rébecca ne me regarde pas (ses yeux se dérobent). Mais elle attire mon regard en m'offrant son visage.(...) Rébecca n'est plus qu'une chose à la merci de ses tortionnaires.

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