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Si l'on peut définir le réalisme en peinture comme la recherche d'une ressemblance la plus exacte possible avec le réel, la nature, en tant que premier réel donné, apparaît comme le « sujet » par excellence du réalisme : la confusion est d'ailleurs fréquente, et significative, entre les termes de Réalisme et de Naturalisme. Il faut pourtant faire des distinctions, et noter que le terme de Réalisme, dans la tradition picturale, renvoie davantage à la représentation de figures humaines, de scènes familières et de la vie domestique qu'à la nature proprement dite, au monde physique. Sans doute, en France, l'école du XIXème siècle qui porte le nom de Réalisme (en réaction contre romantisme et le néo-classicisme, et dans la lignée des paysagistes anglais) s'est délibérément attachée à l'observation directe de la nature, par la peinture en plein air et les études sur le motif, et par la représentation des lieux où l'humain n'occupe qu'une place secondaire comme les forêts, ruisseaux, campagnes, rivages, et autres falaises de Courbet, ou de l'école de Barbizon (Charles Jacque). Ils ouvraient ainsi la voie à l'impressionnisme et aux mouvements suivants, ainsi qu'aux grands novateurs de la fin du siècle : Gauguin, Van Gogh et Cézanne... - cependant qu'autour du symbolisme se développait une vision idéale et poétique de la Nature, inspiratrice privilégiée. Or les grands courants artistiques du XX ème siècle vont faire voler en éclat cette association, et remettre en question aussi bien le réalisme comme mode de représentation que la nature comme matière d'inspiration. Dans un premier temps, on constate que Nature et Réel tendent à disparaître de la représentation picturale, évacués par différentes formes de l' « idéalisme » ou de l' « informel » plastiques (l'abstraction, le minimalisme, le conceptuel), ou encore d'expressions individuelles (la trace, le geste, le signe). Même dans le domaine du figuratif, le réel est dévalué ou refusé - notamment dans le sillage du surréalisme - au profit de l'automatisme, de l'insolite, de l'onirisme, du fantasme, ou du merveilleux. Or, dans la deuxième moitié du siècle, on assiste à une réapparition du réalisme sous son aspect le plus trivial et quotidien, d'ailleurs assez conforme à ses premières définitions : dans la brèche ouverte par le ready-made, c'est le banal qui revient en force dans l'art. « Nouveau Réalisme » ou Pop Art, chacun à sa manière, propose un réalisme (voire un hyperréalisme) contemporain : celui de la vie urbaine, ménagère, de l'objet industriel, des images toutes faites, de la civilisation marchande. La nature est la grande absente, disparue sous l'artificiel et la technique : elle n'apparaît plus qu'ironiquement, comme en creux, dans les effets de la production, de la consommation ou de la destruction de masse. C'est donc ailleurs qu'il faut rechercher la nature.
Dès le début du siècle, à partir du cubisme
et de Dada, un certain nombre d'inventions et de procédés
plastiques vont introduire le réel « naturel »
à l'intérieur de l'œuvre, non plus
dans le signifié mais dans le signifiant, par le collage, l'assemblage,
le frottage (Max Ernst)
et tous les « supports-surfaces ». Ainsi s'est généralisée
une tendance à faire intervenir dans la crétion des
éléments des différents règnes :
La nature elle-même devient matière concrète dans la création, non plus dans son imitation : et non plus simplement sous formes de fragments (comme dans l'Arte Povera) mais comme lieu d'expérimentation et comme matériau grandiose (landes, déserts, orages, rivages ou montagnes désolés) dans le Land Art. L'artiste, s'impliquant alors dans un rapport direct au cosmos, rejoint d'une certaine manière une représentation traditionnelle de la nature : par sa tendance au sublime, il touche à l'idéalisation de la nature, celle du romantisme et du symbolisme. En définitive, Nature et Réalisme, parce qu'ils sont au cœur du problème de la représentation, ont été les premières victimes de la crise qui a frappé celle-ci au cours du XXème siècle. Mais on ne se débarrasse pas aussi facilement du monde naturel, et l'art n'en a visiblement pas fini avec le réel. Si le tableau l'évacue, le musée l'accueille : chassé de la fenêtre, il rentre par la grande porte. |