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Ange Leccia, Je veux ce que je veux
« Je veux ce que je veux » (hoshiimonoga hoshiiwa), se compose de deux motos Honda VFR 750F rouges disposées têtes bêches et de quatre photographies monumentales (195x133cm) d'un couple de jeunes Japonais sur le point de s'embrasser. Le sentiment amoureux version new âge...
Les VFR , apparues dans les années 80 au japon, étaient
des motos sportives conçues avant tout pour offrir un confort
maximal et étaient appréciées comme telles. A
partir de 1990, elles n'existaient plus que dans la couleur rouge;
depuis, elles ne sont plus commercialisées. L'interprétation, bien entendu, ne peut se faire qu'en regard
avec les photographies. Il faut alors tenter d'interpréter l'oeuvre aussi en fonction de la conception japonaise de l'art et de la vie. Comment comprendre par exemple le choix d'avoir photographié non le baiser, mais l'instant qui le précède et de laisser le baiser suspendu dans l'inaccompli, l'incertain, comme si ce qui importait c'était le laps de temps en lui-même, et non l'accomplissement du geste - le désir (Je veux ce que je veux) et non son assouvissement? Tout d'abord, il faut dire que c'est là sans doute utiliser avec maîtrise le médium photographique, tirer tout le parti possible de la pratique de l'instantané, qui prend alors tout son intérêt: la photographie, par essence, se voue à saisir le plus fugace, ce qui à peine survenu s'évanouit sans que rien pèse ou pose, à capturer l'instant même. Or dire cela, c'est s'établir au nœud qui lie les possibilités de la photographie et les aspirations de l'âme japonaise, symbolisées par le sakura. La fleur de cerisier, si frêle, fleurit, resplendit, se fane, s'envole tout à la fois : si les Japonais la célèbrent avec une telle ferveur chaque année, c'est parce qu'à leurs yeux, elle incarne l'éphémère. L'éphémère : voici sans doute le maître mot, le parangon de toutes les valeurs au Japon - même en ce qui concerne le sentiment amoureux. Ce mouvement d'approche suspendu, ce désir surpris en plein élan par la photographie, ou plutôt cette suspension, cette interruption elles-mêmes, voilà l'expression japonisante et au plus haut point photographique du sentiment amoureux... |