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la mort vous va si bien :
Les Suisses morts de Christian Boltanski


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LA MORT VOUS VA SI BIEN
Les Suisses morts de Christian Boltanski


"Je compris soudain que je suis mortel"
Arséniev, dans le roman d'Ivan Boudine

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L'œuvre de Boltanski est emblématique de l'art expérimental de ces dernières décennies. Comme d'autres conceptuels de cette époque, il ne manque jamais de remettre en cause les paramètres traditionnels de l'œuvre d'art et associe des modes d'expressions très divers (peinture, cinéma, vidéo, photographie, mail art, performance et installations) défiant ainsi toute classification.

Sa première exposition eut lieu à Paris en 1968. A cette époque le marché de l'art agonisait. L'art expérimental put donc se développer mais en n'utilisant que de maigres moyens d'expression. C'est ce côté novateur et en même temps modeste qui caractérise l'œuvre de Boltanski. Comme le souligne le titre de sa première exposition, La vie impossible de Christian Boltanski, l'essentiel de son travail consiste en une reconstitution réelle ou fictive du passé, et d'abord de son propre passé. Pour cela il utilisa principalement la photographie mais aussi toutes sortes d'objets du quotidien. L'artiste s'est ainsi particulièrement intéressé aux instantanés et donc aux habitudes et codes culturels révélés par la photographie d'amateur. En effet l'évolution des Sciences Sociales, au cours des années 1960-1970, a encouragé une conscience accrue de la signification des pratiques et des objets du quotidien, comme en témoigne l'ouvrage de Pierre Bourdieu, Un art moyen : essai sur les usages sociaux de la photographie, auquel a collaboré le frère de Boltanski .

L'installation Les Suisses Morts

Les Suisses morts, œuvre réalisée en 1990 rassemble ainsi des portraits qui avaient été publiés dans la rubrique nécrologique d'un journal suisse. Ces portraits choisis par la famille du défunt pour illustrer l'avis de décès, étaient des instantanés souriants de la personne récemment disparue, ou bien des images plus compassées prises par un professionnel à l'occasion d'événements significatifs tels que des mariages, des diplômes... Boltanski, comme dans beaucoup de ses œuvres, rephotographia ces images à la trame déjà grossière et les agrandit de façon à ce que les visages soient légèrement plus grands que nature. Même si Boltanski, dans un soucis de réalisme, a pris soin de ne pas trop déformer les photographies, contrairement à ce qu'il avait pu faire auparavant, elles restent parfois légèrement floues et surtout maladroitement cadrées ; c'est le propre des instantanées. Les photographies sont accrochées les unes au-dessus des autres, sur des boîtes en métal rouillé. Cette accumulation, comparable à certains égards à celles d'Arman, crée une charge pathétique et sourde. L'installation est quelque peu pénible à regarder. Boltanski cherche toujours à déstabiliser le spectateur, voire à créer un malaise profond, comme dans une oeuvre antérieure, La réserve du musée des enfants, où le visiteur devait marcher sur des vêtements usagers de petits enfants.

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