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histoire d'une épidémie


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Dolly, Dallas, etc. Meules, Soupes, etc. 1, 2, 3, 4, 5,...

Mais en matière d’art, la production sérielle a aussi pris d’autres visages : elle s’est engagée sur la voie de la recherche d’un processus de création artistique plus rigoureux, plus formel. Ainsi, influencé par la musique sérielle de Schoenberg, Berg, ou Webern dont les méthodes de production reposent sur un principe mathématique, Rafael Soto peint ses premières Peintures Sérielles en 1952. Il oriente alors sa démarche plastique vers un art-science impliquant un changement fondamental du statut de l’artiste et de la nature de son œuvre, une tendance à la dépersonnalisation de l’œuvre d’art. Pour Sol Le Witt, adepte de la méthodologie sérielle, « l’artiste n’essaie pas de produire l’objet beau ou mystérieux ; il fonctionne comme un employé aux écritures consignant les résultats du postulat préalable », (in Serial Project n°1 (ABCD), extrait du Catalogue L’Art Conceptuel, Paris, Musée National d’Art moderne, 1989). De même, les artistes conceptuels ont aussi leurs obsessions : la démarche sérielle en est le symptôme. Ainsi, On Kawara élabore les Date Paintings qui font partie de Today Series (1966), série de peintures en continuelle élaboration. Au centre d’une toile monochrome est peinte en blanc à la main la date du jour de sa réalisation dans la langue du pays où l’artiste se trouve à ce moment-là. Tout tableau commencé doit être terminé dans la journée. Logique de construction implacable, quasi obsessionnelle. Auteur d’une œuvre sans début ni fin, On Kawara serait-il un tueur en série du temps qui passe ?

On Kawara

Plus encore, un motif, quand il contamine toute une œuvre, permet d’opérer la réduction synthétique d’un artiste à une marque de fabrique qui remplace sa signature : les rayures de Buren, les haricots de Viallat, les pots de Raynaud, etc. En effet, l’histoire de Buren est celle de la rencontre d’un homme et d’une bande de scotch enlevée d’un tableau ; ce motif rayé de huit centimètres de large ne quittera pas l’artiste. L’enjeu sériel se situe sur le plan du rapport entre la répétition systématique d’un matériau, d’une forme neutre telle que cette alternance de bandes verticales appliquées à différents supports, et les propriétés du lieu, « outil visuel » qui accueille son invention. Et si toute l’œuvre de l’artiste n’était qu’une immense série ? De même, au tournant du siècle, les œuvres abstraites de Kandinsky, les monochromes de Klein dont l’identification n’est possible que grâce au numéro indiqué sur le cartel, juste à côté de la toile, ne se prêtent-ils pas particulièrement bien à ce jeu de la série ? « Yves-le Monochrome », comme on l’appelle, vend à la Galleria Apollinaire à Milan en 1957 onze monochromes bleus, de facture et de format totalement identique, à des prix à chaque fois différents, montrant ainsi toute l’ambiguïté d’une œuvre faite d’éléments si ressemblants.

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