- revenir au sommaire

procédés


2/3

Ravier Séon Jacquet, Prince, Becher

Alexandre Séon

D’emblée les Symbolistes auxquels appartient Alexandre Séon, rejettent l’impressionnisme, simple travail d’observation du réel qui ne s’intéresse guère qu’au rendu de la lumière sur la toile. Pour eux, l’avenir est au monde subjectif. Il faut peindre ce qu’on n’a jamais vu et ne verra jamais. Le mythe, lieu de mystère, est remis à l’honneur. Autre figure de prédilection du courant symboliste aussi bien en poésie (de Baudelaire à Nerval) qu’en peinture (avec Moreau, Puvis de Chavannes par exemple) : la femme. Tour à tour femme mariale, symbole d’une beauté idéale et éternelle, ou femme fatale, figure de la perversité et d la mort, cet être double est l’incarnation même du mystère.

La Mer Marine Marine aux roches

Alexandre Séon est l’élève de Puvis de Chavannes avec lequel il collabore pendant une dizaine d’années. Il est aussi à l’origine du Salon de la Rose + Croix, temple parisien du Symbolisme. Surnommé « peintre idéaliste-idéiste » pour ses préoccupations sociales, il reste fidèle sa vie durant à l’esthétique de Puvis de Chavannes par ses dessins d’une grande pureté et d’une rigueur absolue, l’emploi de tons adoucis avec des harmonies où s’allient le mauve, le gris et le bleu. De maître à élève, difficile d’ignorer les liens de filiations. Ainsi, les Lamentations d’Orphée (1896) de Séon sont toutes empreintes de l’œuvre du maître Les Jeunes Filles au bord de la mer (1879) : le jeu d’ombre est réduit, les volumes sont aplatis, les personnages à demi nus sont figés dans un décor de mer et de rocher ; le ciel d’ivoire, à l’image de la pierre nue omniprésente, contribue à créer une atmosphère froide malgré le charme des figures, jeunes hommes ou jeunes femmes à la beauté idéale, comme sortis de nulle part, sinon de l’imaginaire du peintre.

Mais Puvis de Chavannes n’est pas la seule référence de Séon. Sa Tête d’Orphée reprend le fameux motif orphéique de Gustave Moreau : tête tranchée figée sur une lyre (Orphée, 1865, huile sur toile, musée d’Orsay). Séon a épuré l’œuvre du maître, l’a vidée de tout décor pour ne plus garder que cette tête naufragée sur une plage déserte, ponctuée de quelques rochers. Cette œuvre aux résonances homériques scelle-t-elle l’union ultime d’Orphée et des sirènes métamorphosées en rochers ? Célèbre-t-elle la victoire finale de ces femmes-poissons maléfiques sur celui qui leur a toujours refusé âme et corps ? Peut-être que la vérité est ailleurs… Séon a brassé des thèmes mythologiques bien connus, où se mêlent rêve et mystère, amour et mort. Seulement, est-ce suffisant pour parler de série ? Ces œuvres, fruit de l’imaginaire, d’un rêve sans début ni fin, aux résonances infinies à la manière des correspondances baudelairiennes, ne sont-elles pas aux antipodes de la série, procédé rationnel, système clos sur lui-même ?

page précédente - 2/3 - page suivante