VANITES, LE MIROIR DU VIDE
Début XVIIe siècle, de singulières peintures
apparaissaient en Europe : des toiles de petit format, accumulant
autour d'un crâne toutes sortes d'éléments
- fleurs, bulles de savon, couronnes, bijoux, armes, cartes
à jouer, sabliers... - diversement assemblés,
et admirablement peints, à la manière des natures mortes.
D'emblée, ces associations posent un problème
au spectateur : d'un côté, ces objets symbolisent
la fragilité de notre existence, de nos œuvres et de nos
biens, mais de l'autre, ils se laissent admirer, jouant à
plein de cette vanité qu'ils semblaient dénoncer
par ailleurs...
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Pieter Claesz, Vanité, 1630 |
Ce paradoxe tient en grande partie à la double tradition iconographique
dans laquelle s'inscrivent les vanités, celle des natures
mortes, auxquelles renvoie la figuration réaliste des objets
inanimés, et l'iconographie macabre, que le crâne
rappelle à l'évidence. Cette double filiation
paraît difficile à tenir, et fonde les vanités
sur une ambiguïté : les vanités doivent-elles être
lues comme des tableaux votifs, chargés d'un sens moral
fort, ou comme des tableaux décoratifs, valant uniquement pour
la virtuosité qui les anime ? Il semble toujours impossible
de s'en tenir à l'un ou l'autre : comment
un discours moral pourrait-il s'accommoder de la satisfaction
esthétique vaniteuse ? Mais comment un objet décoratif
pourrait-il justifier la présence centrale d'un motif
macabre ? On ne peut donc exclure ni le sens moral, rendu incontournable
par le crâne - et il faut alors se demander quelle est
la nature de ce sens moral - ni l'aspect esthétique,
qui fait partie du programme iconographique : comment, dès
lors, les concilier ?
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