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introduction
filiations
A. Masson, les prétendants

   


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De Poussin à Picasso, en passant par Delacroix, Rubens et David, de rapt d'Europe en enlèvement des Sabines, le motif de l'enlèvement semble avoir excité maints coups de pinceau. Le rapt, moment fulgurant, violent et de nature érotique, serait-il ainsi, éminemment, un moteur et de création et d'appropriation artistiques ? Le rapt est prétexte à une peinture ou une sculpture à la fois dynamiques, dramatiques et voyeuristes. En cela il fait intervenir une recherche portant sur le pathos : la plastique et la gestuelle de l'affectivité. Or, de fait, le pathos engendre et intensifie la forme.
C'est précisément cette interaction que Warburg exploite dans ses Essais florentins : la morphologie du pathos et ses survivances (Nachleben). Georges Didi-Huberman, dans L'image survivante, montre une continuité (inconsciente) entre gestes antiques, gestuelle napolitaine contemporaine et signaux indiens(1). Or, nous retrouvons bel et bien ces « formules de pathos » élémentaires et transhistoriques, dans les représentations du rapt : la main crispée (sur un linge, une mèche, un pan de la selle) de la femme enlevée d'un côté, l'autre jetée dans les airs, relâchée mais les doigts tendus, au bout d'un bras qui appelle autrui, le lointain, le monde entier à réagir devant cette injustice, et le spectateur lui-même.

(1) A. de Jorio, La mimica degli Antichi investigata nel gestire Napoletano, Naples, 1832

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