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introduction
filiations
A. Masson, les prétendants

   


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André Masson, Les Prétendants, 1932

Le format horizontal invite à une lecture, à voir en ce tableau un récit : une scène à déchiffrer, à parcourir. Mais le déploiement et la tension des lignes dynamiques, le travail des volumes, charnus et durs, comme des muscles bandés (les mollets, les bras), tend plus à l'exercice sur le volume et les corps, leur matière, leur épaisseur, leur mouvement. Les couleurs d'ailleurs, n'emplissent pas les volumes, mais se répartissent en surfaces autonomes, au-delà des contours, comme si la vitesse des gestes avait déplacé le prisme des couleurs au-delà des lignes. A ce propos Bernard Noël (André Masson, la chair du regard, Gallimard, 1993) écrit que chez Masson « l'élan et la vitesse baignent la forme » - mieux, ils la déterminent, l'informent. Du coup, l'œil qui tente de rétablir l'équilibre et la stabilité dans la composition est toujours remis en mouvement, déraciné et relancé : « ce rétablissement hiérarchique est aussitôt défait par l'impétuosité qui, fusant de partout, interdit au regard d'arrêter la scène et d'en disposer. » Je regarde ce tableau, mais en le touchant des yeux, je lui confère encore plus de rythme, comme si je touchais du doigt la surface de l'eau. Mon regard pulvérise le tableau autant que celui-ci pulvérise mon regard.

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