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introduction
filiations
A. Masson, les prétendants

   


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De fait, le titre peut renvoyer, avec humour, à la brutalité et la maladresse des Sabins, étranges prétendants qui n'ont trouvé comme déclarations d'amour que d'enlever les femmes convoitées, sans les concerter. Remarquons en outre le décalage cruel entre le titre et le comportement des Sabins, puisque la scène dépeinte n'appartient pas à la simple « prétention » mais bien à la violence actualisée. Et s'il se réfère à l'épisode de Pénélope, alors cette prolifération de corps d'hommes est à la fois drôle et amère, posant le problème de l'infidélité féminine et de l'insatiable -et tout autant transgressif- désir masculin.

Concluons sur l'importance du mythe et de la filiation : Leiris l'a bien noté, la mythologie représente une source d'inspiration extrêmement féconde pour Masson. Or le propre du mythe est de sans cesse être re-traité, re-motivé, illustré, formé et déformé, histoire-matrice universelle. La plasticité de l'événement-rapt s'y prête tout particulièrement. Du coup, Masson s'inscrit avec Les Prétendants dans une tradition lourde de représentation. Justement, dans Le plaisir de peindre, Masson cite deux peintres qui ont peint enlèvements et violences: Poussin, « la fin de la peinture est la délectation » ; et Delacroix, « Un tableau avant tout doit être une fête pour les yeux ». La peinture comme plaisir ludique des yeux. Le thème de l'enlèvement, Régis Michel l'a bien montré, et Les Prétendants en particulier, qui stimule une optique « rebondissante » et implique presque le corps du spectateur, entraîné dans la mêlée, permettent et confirment cette théorie de la peinture. Le rapt-représenté comme raptus (plaisir, extase) de l'œil.

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