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Serge III, Joconde au miroir

 

L'incision chirurgicale du portrait de Mona Lisa renvoie explicitement au geste iconoclaste qui consistait à blanchir les visages à la chaux; toutefois, au simple effacement, Serge III substitue une trouée qui épouse avec précaution les contours de la face; décapitation éloquente, qui donne à voir une Joconde présente-absente - ou, la Joconde, moins Mona Lisa. Privée de ce sourire qui la rendait si mystérieuse, elle apparaît ici en Joconde à tête de rien. Citation iconoclaste de Léonard que cette Joconde de Serge III, donc, mais sur le mode de la privation.

 

Cependant, en le privant de ce qui donnait sens à l'oeuvre de Léonard, l'oeuvre construit une nouvelle signification: clonée, transformée en étrange hybride, la Joconde de l'affiche de Serge III est d'abord négation rieuse, défi provocateur lancé à une religion de l'image surdiffusée et fétichisée, dont La Mona Lisa du Louvre serait l'icône par excellence; une invitation à nous demander si le musée ne serait plus qu'un mausolée des images de l'art.

En effet, avec ce miroir collé en lieu et place du visage, Serge III nous place devant l'impasse que constitue pour nous désormais ce type d'image « sacro-sainte » : pure surface réfléchissante, le miroir est vide, et ne nous renverra que notre propre image - ou celle de nos fantasmes sur l'art.