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danses macabres


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L'intraitable L'art funéraire Danse macabre Le silence
Imaginer la mort : le modèle christique Vanité ? Pathos
Thanatophilie ? La photographie Mort ou vif Un couple ambigu


Imaginer la mort ? - le modèle christique

La religion chrétienne fournit à l'imaginaire occidental de nombreux motifs issus des icônes et de la peinture de dévotion : Christ en croix, expirant, Descente de croix, Pietà (Vierge tenant sur ses genoux le corps du Christ descendu de la croix), "Dormitio" (Vierge morte qui est représentée alitée), Mort ou Mise au tombeau de saints, martyres, Homme de Douleurs. A l'instar du Christ de Grünewald, des crucifixions de Bacon au XXè siècle ou de la splendide utilisation du motif de la Pietà dans Cris et chuchotements de Bergman on comprend que ces motifs aient fortement marqué l'art occidental. De même des artistes comme Otto Dix ou André Devambez figurent les drames de la Première Guerre Mondiale dans des triptyques qui rappèlent les retables médiévaux ; ils donnent ainsi à leur évocation de la mort, représentée dans la prédelle, la majesté d'une déploration.

Ingmar Bergman, Cris et chuchotements

 

Vanité ?

Le genre pictural de la vanité, souvent lié à la méditation sur un symbole de mort (crâne...), très apprécié au XVIIè siècle, semble associer à la mort une idée nouvelle : le néant . La représentation de la mort entre, à ce moment là, dans les objets de la vie quotidienne (bague, broche ou pendentif) et de même des objets sont figurés dans les natures mortes ou vanités. Dans un monde fait pour tromper l'œil, la mort est le secret de la vie, mais un secret qui ne cache rien, rien d'autre que sa propre inanité.

 

Pathos

Les représentations de morts participent aussi de la peinture d'histoire. Ainsi à l'époque moderne des modèles nouveaux empruntés à l'antiquité païenne apparaissent : c'est la mort volontaire du sage, qui emprunte encore à l'iconographie traditionnelle sa publicité, sa dignité ; car la mort est souvent un acte public. Mais à ces deux critères s'ajoute désormais le pathétique . Avec le romantisme, les morts figurées restent majestueuses mais sont plus fréquemment solitaires, plus intimes : on pense aux célèbres morts de Manon Lescaut, de Paul et Virginie ou d'Atala.

 

Thanatophilie ?

Parallèlement à un véritable art funéraire, le développement de l'anatomie, du XVè au XVIIè siècle, stimule la curiosité et la connaissance du corps, du squelette, et donc encourage, dans les représentations, une tendance au réalisme. La mort est moins assimilée à un art de mourir moralisant ou religieux qu'à une expérience des limites de l'expérience humaine. Or, face à cette difficulté à penser "La Mort" ,les images deviennent plus ambiguës ; elles véhiculent un mélange de séduction et de peur. Ainsi l'un des éléments nouveaux de l'iconographie mortuaire, l'érotisme, qui apparaît au XVIè siècle, dans les tableaux de Hans Baldung par exemple, témoigne bien de ce macabre désacralisé. On retrouve ces motifs équivoques au XIXè siècle dans les oeuvres de Münch et au XXè siècle dans celles de Schiele. Que l'on cherche à représenter un mort ou la mort, les images se font donc plus terrestres, plus humanisées. Le thème de la mort est associé à une certaine forme de séduction : c'est la mollesse voluptueuse des chairs que la vie vient juste d'abandonner et que la mort n'a pas encore raidies. On a dû alors donner un nom à cette beauté : « le morbide », qui désignait à l'origine la mollesse maladive des corps trop tendres. Le beau jeune cadavre prend ainsi progressivement dans la sensibilité esthétique une place qui rappelle celle de l'éphèbe dans la culture hellénistique. On n'hésite plus, au XIXè siècle, à représenter le sentiment amoureux d'un vivant et d'un mort. Le goût pour le cadavérique est ainsi visible dans le célèbre poème Une Charogne de Baudelaire. Cet attrait et cette connaissance du corps mort, caractéristiques du XIXè siècle, s'expliquent aussi par la vulgarisation des images de deux grands spectacles populaires, l'exécution publique des criminels et l'exposition des cadavres à la Morgue. Gervex, peintre français de la fin du XIXè siècle, souvent remarqué pour son indécence, a ainsi utilisé une facture toute photographique pour peindre des autopsies ou des corps morts - par exemple, dans le tableau Souvenir de la nuit du 4, où l'on remarque Victor Hugo, parmi les témoins du drame.

Hans Baldung ...le sentiment amoureux d'un vivant et d'un mort

Gervex, Souvenir de la nuit du 4

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